Erba santa & les beignets aux herbes du Vendredi Saint

Le jour du Vendredi Saint, il est de tradition dans certaines familles corses de concocter E Frittelle erbose, les beignets aux herbes!

Comme toujours, il en existe plusieurs versions, chaque famille ayant sa manière de faire et ses secrets de fabrication transmis de mère en fille au fil des générations!

A défaut de pouvoir rencontrer les quelques anciens de mon village en ce moment, et d’échanger avec eux sur les éventuelles pratiques culinaires liées à la semaine sainte, je vous livre ici un petit tour d’horizon issu de différents ouvrages de ma bibliothèque!

On croisera donc selon les auteurs, les beignets aux 7 herbes en référence aux 7 blessures du Christ, mais aussi les beignets aux 13 herbes ou encore la soupe aux 13 herbes du Vendredi saint!

Si au total une vingtaine de plantes peuvent entrer dans leur composition, tout le monde s’accorde sur le fait qu’on y intègre des plantes particulièrement amères – toujours en référence à la souffrance du Christ, et l’incontournable Erba Santa, la bien nommée Achillée de Ligurie (Achillea ligustica).

Les Poireaux – U porru, Blettes – A bietta & Fenouil – U finochju – sauvages forment la base des plantes que l’on mettra en plus grande quantité, accompagnées de menthe – U mintrastu pour son coté rafraichissant.

Pour les autres, on relève au choix et selon ce qu’on trouvera à portée de main: des feuilles de Coquelicot – A rosula (Papaver rhoeas), de Silène enflé – U sciocculu (Silene vulgaris), de Plantain lancéolé – L’arechja capruna (Plantago lanceolata), d’Orties – L’urticula (Urtica sp.), de Patience violon – A romiccia (Rumex pulcher), d’Ail à trois angles – E sambule (Allium triquetrum), de Calament nepita – A nepita (Calamintha nepeta), de Chicorée sauvage – Arba amara (Cichorium intybus), de Bourrache – A frisgiula (Borrago officinalis), de Camomille matricaire – A matrunella (Matricaria recutica) ou encore de Reichardie faux-picris – A lattarella (Reichardia picroides).

Dans son livre « L’amore piattu », Francesca Desideri précise qu’en dehors de ce jour précis, on pourra accomoder ces beignets avec les herbes que l’on trouve, mais pour les beignets du Vendredi Saint, il faudra précisément des feuilles de blette, de bourrache, de poireau, de menthe, d’achillée, de fenouil et de camomille matricaire ; auxquels on ajoute de l’oignon frais.

Du côté de la pâte!

Les recettes traditionnelles font place à la simplicité: de la farine, de l’eau et du sel à mélanger de manière à obtenir une texture homogène de l’ordre de la pâte à crêpes…ou à gaufres selon les familles! J’ai testé et pour 125 g de farine, ça donne environ 1 verre d’eau et une petite cuillère à café de sel.

En matière de pâte à beignet, il existe de nombreuses versions plus élaborées, à base de bière, de levure chimique ou encore de blanc d’oeuf monté en neige qui amènent leur légèreté ou croustillant à la pâte! Par contre là on s’écarte de la tradition pascale, car pas d’oeuf le Vendredi Saint…eh oui!!

En voici toutefois une possibilité parmi d’autres, et bien sûr si vous avez votre recette habituelle elle fera très bien l’affaire également! Pour 125g de farine, 1 oeuf, 1 verre d’eau, de lait ou de bière, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive et du sel. Séparer le blanc du jaune d’oeuf, et réserver le blanc. Mélanger la farine, le jaune d’oeuf, l’huile, le sel et versez progressivement le verre du liquide choisi. Laisser reposer environ 2h. Enfin, monter le blanc d’oeuf en neige et l’incorporer à la préparation avant de rajouter les herbes.

Du côté des herbes!

Une fois votre pâte réalisée, munissez-vous de votre cueillette du jour que vous rincerez à l’eau si nécessaire. En plus des 7 à 13 herbes que vous aurez choisies, vous pouvez ajouter un oignon nouveau à la préparation.

Préparer les plantes en ne gardant que les parties les plus appétissantes – si vous avez cueilli « proprement », en évitant les tiges coriaces et feuilles souillées ou abîmées, ce tri sera plus rapide!; puis les hacher.

Dans les versions traditionnelles, on fait ensuite revenir les poireaux et l’oignon nouveau quelques minutes dans de l’huile d’olive, avant de rajouter les autres herbes hachées (sauf la menthe) que l’on fait suer rapidement. La menthe est rajoutée une fois le feu coupé.

C’est le moment de mélanger les plantes à la pâte! Plusieurs possibilités à nouveau: soit vous avez laissé reposer la pâte, dans ce cas rajouter les herbes et faire frire les beignets; soit vous laissez reposer la préparation avec les herbes avant de les faire frire!

Pour la version « sauvage! » – et là on s’éloigne complètement de la tradition pascale!!- et car je trépignais d’impatience de déguster mes premiers beignets, j’ai testé avec les plantes hachées crues (sans les faire revenir au préalable), que j’ai ajoutées à la pâte (version blanc en neige!); et j’y ai ajouté quelques épices comme de la muscade et du curcuma ainsi qu’un tour de moulin à poivre!

A vous de voir ce qui vous inspire le plus et vous approprier la manière de faire!

Place à la friture!

Voici venu le moment tant attendu!! La cuisson des Frittelle arbose!!

Faire un bain d’huile au fond d’une marmite, ou faites chauffer votre friteuse si vous en avez une! Une fois l’huile bien chaude (180°C), verser des tas de pâte à l’aide d’une petite louche ou d’une grande cuillère. Dans la famille de Stefanina Orsini du village de Montemaiò en Balagne, la recette familiale des beignets aux 13 herbes précise qu’il faut toujours tremper la cuillère dans un verre d’eau avant de prélever la pâte!

Veiller à éviter que les beignets ne se touchent pendant la cuisson, et les retourner à l’aide d’une fourchette lorsqu’ils remontent à la surface. Enfin, lorsqu’ils sont bien dorés, les égoutter avec une écumoire et les disposer sur du papier absorbant.

A déguster chaud, avec une petite sauce et une salade de la chance en accompagnement pour régaler petits & grands!

Références: compilation des données recueillies dans divers ouvrages // Furesta è Machja, 2011 / Tempi-fà, A cucina: recettes et savoir-faire traditionnels de Corse, 2012 /Promenade en Corse, parmi ses fleurs et ses forêts, M. Conrad, 2013 / Arburi, Arbe, Arbigliule, savoirs populaires sur les plantes de Corse, 2008 / L’Amore piattu, F. Desideri, 2019 & communication personnelle Stefanina Orsini //

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